Définition
L’éco-pâturage consiste à entretenir des espaces verts ou des espaces naturels avec des animaux herbivores, tels que des vaches, des moutons, des ânes, des oies, des canards ou des lapins, pour ne citer qu’eux.
Issu de la tradition ancestrale de pâturage extensif, c’est-à-dire à faible charge en bétail, l’éco-pâturage est progressivement remis au goût du jour, d’abord dans les années 1980 pour rouvrir d’anciennes prairies humides qui s’étaient enfrichées avec la déprise agricole puis vers la fin des années 1990, dans les villes pour entretenir des zones peu utilisées par les citoyens, d’entretien et/ou d’accès difficiles.
Quel type de pâturage
Plusieurs systèmes de pâturage existent et permettent de s’adapter au mieux aux atouts et contraintes du site ainsi que des espèces choisies :
Pâturage fixe
Suppose l’installation d’une clôture
Pâturage tournant
Plusieurs sites cloisonnés en plusieurs parcelles qui seront tour à tour pâturés sur de courtes périodes. Dans certains cas, il peut permettre de varier l’intensité du pâturage et la nourriture des bêtes
Pâturage itinérant
Un troupeau guidé par un berger (dans ce cas on parle parfois d’éco-pastoralisme). La pose d’une clôture n’est pas toujours nécessaire. Notons que le pâturage itinérant est intéressant pour la biodiversité car les déjections des animaux sont plus dispersées et ont moins d’effet fertilisant. L’inconvénient est évidemment que cela nécessite la présence permanente d’un berger.
Quand et où ?
Quel que soit le système de pâturage adopté, les périodes de pâturage doivent être adaptées aux résultats attendus. Par exemple, l’éco-pâturage mené au printemps va être efficace contre les graminées. S’il est mené en été, il sera efficace sur les jeunes pousses d’arbres, et s’il est mené en automne-hiver, il aura peu d’impact sur les graminées et les pousses d’arbres et créera peu de dommage sur la flore.
Que ce soit pour contrôler, sans intervention mécanique ni produit chimique, la diffusion de certaines plantes invasives ou simplement comme mode de tonte alternatif, l’éco-pâturage est de plus en plus envisagé en milieu urbain puisque cette pratique présente de multiples avantages sur les plans environnemental, social et économique.
Les avantages de l’éco-pâturage
Dimension environnementale
Les herbivores broutent et piétinent. Par ces deux actions, ils favorisent la conservation des milieux ouverts en empêchant les broussailles, buissons et arbres de coloniser l’espace.
La présence des animaux et leurs préférences alimentaires contribuent à contenir ainsi la dynamique d’enfrichement et créent une mosaïque de milieux naturels. Le débroussaillement et le piétinement favorisent le remplacement d’espèces végétales compétitives par d’autres espèces. L’action des animaux permet donc de contrôler la propagation des espèces à développement rapide et de favoriser une expression plus hétérogène de la flore locale.
En combinaison avec d’autres méthodes, il permet aussi de lutter efficacement contre certaines invasives sans avoir recours à des traitements chimiques ou de longues campagnes d’arrachages. Par exemple, l’éco-pâturage avec des caprins s’est révélé très efficace pour maîtriser et épuiser la plante invasive “Renouée du Japon”.
Par leurs déjections, les animaux fertilisent naturellement les sols et permettent de réintroduire une petite faune peu représentée en ville incluant toute une série d’insectes attirant à leur tour des oiseaux.
- Des études scientifiques (cf. Cahier technique n°33 de l’AFB et thèse de Cannelle Moinardeau) ont ainsi montré que le pâturage extensif avait un impact positif sur l’ensemble de l’écosystème et renforçait la biodiversité.
Par l’éco-pâturage, on réduit aussi l’impact environnemental des travaux d’entretien du fait de l’utilisation des animaux plutôt que d’engins mécaniques ce qui se révèle bénéfique en termes de bilan carbone comme en termes de pollutions aériennes ou sonores. Les animaux peuvent refuser de brouter certaines plantes ou certaines zones de la pâture, toutefois il reviendra aux gestionnaires de décider si une intervention mécanique annuelle est nécessaire pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé ;
Dimension sociale
L’éco-pâturage permet de créer du lien social. Il est souvent très apprécié des riverains qui valorisent un retour de la nature en ville et y trouvent un charme bucolique. En effet, cette pratique contribue à donner une image « verte » et positive du site voire de la ville. C’est aussi une belle opportunité de sensibiliser le grand public à la gestion écologique des espaces verts et naturels : en général, les animaux bénéficient d’un capital sympathie auprès des habitants !
Dimension économique
Le projet d’éco-pâturage, s’il a été bien conçu, se traduit par une charge de travail réduite pour les gestionnaires puisqu’une fois les animaux installés, les actions de tonte et de fauche sont limitées à la gestion des secteurs de refus. Il n’y a donc pas ou peu de production ni d’export de végétation.
Encore beaucoup trop utilisées pour leur seule activité de broutage, les bêtes peuvent être souvent valorisées à travers plusieurs filières plus ou moins développées (production de lait, viande, laine,…). Cela est d’autant plus le cas lorsque l’éco-pâturage est pratiqué en collaboration avec un éleveur local. Ces différentes filières permettent aux éleveurs de faire de l’éco-pâturage une réelle solution économique complémentaire à leur activité.
Précisons toutefois que pour que l’expérience de l’éco-pâturage soit réellement positive sur le plan écologique comme économique, certaines mesures doivent être respectées. En particulier, un pâturage vraiment écologique suppose que la charge en bétail soit bien adaptée à la parcelle et aux objectifs de gestion. Cela suppose également qu’un contrôle strict des intrants tels que les engrais, pesticides, mais aussi traitements vétérinaires, soit effectué par le gestionnaire en accord avec l’éleveur ou le prestataire.
Les races locales, un patrimoine conservé à travers l’éco-pâturage
Le pâturage extensif peut être réalisé avec tous types d’herbivores. Néanmoins, les races rustiques s’accommodent souvent mieux que d’autres races, à la végétation (plus ou moins appétissante) des types de sols (parfois rocailleux, parfois humides). Elles résistent également mieux aux maladies et aux parasites (diminution des frais vétérinaires).
De plus, dans chaque région, des espèces animales domestiquées et particulièrement bien adaptées au contexte agrologique (types de sols, systèmes agricoles…) et climatique ont été sélectionnées au fil des siècles.
Celles-ci tendent aujourd’hui à régresser voire à disparaitre, alors qu’elles peuvent s’avérer être d’excellents brouteurs. Dans un esprit de conservation patrimoniale, l’éco-pâturage, quand il favorise ces animaux, permet également de sauvegarder et de valoriser des races régionales.
Un outil précieux pour aller vers le zéro-phyto
Alors qu’en France comme en Belgique, l’utilisation des pesticides dans les espaces verts publics et privés est désormais largement interdite, les gestionnaires doivent repenser leurs modes de gestion. Dans ce contexte, l’éco-pâturage est un excellent moyen d’entretenir efficacement certains espaces et ainsi libérer du temps pour le désherbage des espaces qui nécessitent une gestion plus régulière et plus chronophage.
Pour se lancer dans l’aventure de l’éco-pâturage, plusieurs formules sont possibles :
Découvrez à droite les 3 formules possibles pour vous lancer dans l’éco-pâturage. Déroulez les options qui vous intéressent.
Prise en charge complète de la démarche par le propriétaire ou le gestionnaire du site
Achat des animaux, installation de la clôture et de l’abreuvoir, soins aux animaux, démarches réglementaires et administratives, assurances. Il est recommandé de demander des conseils à un spécialiste pour choisir le type et le nombre d’animaux adapté à la parcelle et au projet. Par ailleurs, cette formule nécessite d’avoir une certaine expertise dans le choix du bétail ainsi que la conduite et le suivi du troupeau ;
Sous-traitance à une entreprise spécialisée
Certains prestataires proposent de gérer eux-mêmes le terrain par éco-pâturage. Ils peuvent s’occuper de tout, moyennant paiement : clotûre, soins aux animaux, démarches réglementaires et administratives, assurances ;
Convention de collaboration avec un éleveur local
Établir un accord qui arrange les deux parties, avec un éleveur qui cherche un terrain. Cet accord peut envisager une indemnisation de l’agriculteur. Cela peut se faire à l’issue d’un appel à candidatures et peut être formalisé dans un cahier des charges. Attention, il est recommandé de bien se renseigner avant de conclure l’accord, pour déterminer le type de bétail adapté au site ainsi que le nombre de bêtes selon les objectifs environnementaux visés. Ici, tout peut être négocié au cas par cas et doit donc être précisé dans les clauses d’un(e) contrat/convention. Souvent le gestionnaire met à disposition un terrain donné (défini par le cadastre et par des repères visibles sur place), pour une durée déterminée ou jusqu’à rupture du contrat. L’éleveur s’engage par exemple à faire paître un certain nombre d’animaux (ni plus ni moins ; ce nombre est à déterminer selon les objectifs de gestion) d’une race donnée, durant une période précise. Il peut par exemple, selon les objectifs de gestion définis, s’engager à ne pas fertiliser le terrain et à minimiser l’administration de traitements médicamenteux préventifs aux animaux. Reste enfin à aborder les questions autour de l’installation et entretien de la clôture, de la période annuelle de pâturage, de la surveillance et la santé des animaux et des types de traitements vétérinaires.
Quelques notions clés
Gestion différenciée
La gestion différenciée (GD) est une approche raisonnée de la gestion des espaces en fonction de leurs caractéristiques et vocations. Plus en phase avec les aspirations actuelles, elle fait le pari d’une gestion plus respectueuse de l’environnement sans perte de qualité. Elle remet en question la gestion horticole des aménagements communaux ayant massivement recours à des espèces non locales, à des plantes annuelles, et à des techniques d’entretien intensives, sans toutefois le bannir. Le principe est d’appliquer à chaque espace le mode de gestion le plus adapté, tenant compte de son utilisation, sa situation…
La gestion différenciée permet de diversifier les types d’espaces verts, de favoriser la biodiversité et de mettre en oeuvre le zéro pesticide :
- En mettant en place des méthodes pour prévenir les besoins en désherbage (paillage, végétalisation…) ;
- En ayant recours à des techniques alternatives (éco-pâturage, désherbage mécanique, thermique ou manuel) ;
- En apprenant à accueillir et à accepter la végétation spontanée en certains lieux.
Restauration des milieux ouverts
On considère le plus souvent comme milieux ouverts les plaines agricoles, les prairies, les landes, les pelouses, les lisières, trouées ou clairières mais aussi les sous-bois, anciens vergers, anciennes carrières ou falaises rocailleuses. Au fil des années, l’absence de gestion sur ce type de milieu entraîne une fermeture de celui-ci (reprise des ligneux, ronces,..). L’éco-pâturage devient alors une solution efficace pour réouvrir le milieu et retrouver le milieu initial ainsi que l’écosystème associé.
Races locales
Subdivision d’une espèce animale qui a été domestiquée par l’Homme dans une optique d’élevage et de sélection. D’après le code rural, une race est considérée comme locale si des liens suffisants avec un territoire spécifique sont démontrés, notamment si 30 % des effectifs sont situés dans un seul département ou 70 % dans trois départements limitrophes deux à deux. Les individus appartenant à une même race possèdent des caractéristiques génotypiques et phénotypiques proches. Lorsque ces caractères se sont développés pour s’acclimater à un milieu défini, on parle alors de race locale. Cette dernière est adaptée à l’environnement pédoclimatique et sanitaire d’une zone géographique délimitée qui lui est propre. […]Dans les milieux environnementaux fortement contraints, le recours à une race locale est intéressant pour garantir une bonne adaptabilité du troupeau aux conditions extérieures. En effet, si elle est adaptée au milieu, la race locale a la capacité de faire face aux fortes contraintes pédoclimatiques ou sanitaires sans compromettre ses capacités de production.
Pâturage extensif
Le pâturage extensif est un système de pâturage caractérisé par une faible charge de bétail (faible densité de chargement d’effectifs animaux) à l’hectare. Avec peu ou pas d’apport supplémentaire de nourriture, ce type de pâturage s’oppose au pâturage intensif. Il se réalise en général sur des prairies souvent dites de “haute valeur biologique” en Belgique ou des prairies de fauche avec une diversité floristique intéressante.
Unité Gros Bétail, aussi appelée Unité Gros Bovin
C’est l’unité de référence utilisée pour les différentes catégories d’animaux en se basant sur leurs besoins alimentaires. Cette unité permet donc de prendre en compte les différences de besoins alimentaires entre les animaux et est essentielle pour estimer le chargement en éco-pâturage. 1 UGB est définie comme une vache laitière de 600 kg, consommant 4 500 kg de matière sèche par an et étant présente toute l’année sur l’exploitation agricole. A titre de comparaison, une brebis correspond à 0,15 UGB et une jument à 0,8 UGB. Dans le cadre de la gestion d’un milieu, il est important de déterminer la charge par hectare. Sur le terrain, cette charge peut varier en fonction de multiples paramètres comme les conditions météorologiques, la disponibilité et les ressources fourragères, le mode de gestion et les objectifs de gestion de la parcelle, le type de milieu ainsi que son éventuel classement, ou encore la saisonnalité du pâturage. Sur une pâture non classée, la mise en place de l’éco-pâturage se fait à raison d’1 UGB/ha mais cette recommandation varie grandement en fonction des paramètres mentionnés.
Races rustiques
Une race rustique au sens large est une race qui a peu d’exigence, demande peu de soins et peut assurer la pérennité du troupeau et enchaîner les cycles de production tout en vivant dans des conditions où la ressource alimentaire est aléatoire. Un animal “rustique” a donc une capacité particulièrement développée à explorer l’espace à la recherche de ressources nutritives et à adapter son comportement en fonction de ces ressources. Ces races mettent généralement bas sans que l’aide de l’éleveur ne soit nécessaire, comme cela peut être le cas pour d’autres races plus spécialisées.
Plantes invasives
Les plantes exotiques envahissantes, couramment appelées invasives, sont des espèces introduites par l’Homme, dans une région où elles n’existaient pas auparavant, et qui se répandent dans cette nouvelle région de manière incontrôlée. Les invasions menacent la biodiversité à l’échelle mondiale et engendrent des problèmes économiques considérables. De manière plus locale, la plupart des gestionnaires publics sont confrontés à au moins une espèce de plante invasive et se sentent souvent démunis face à leur ténacité.
Appétence
Indique le comportement alimentaire des animaux, leur inclinaison à apprécier telle ou telle plante.
Prophylaxie
Ensemble de moyens médicaux mis en œuvre pour empêcher l’apparition, l’aggravation ou l’extension des maladies.